RAPPORT SUR L'ETAT DES RESEAUX DE TELECOMMUNICATIONS
AU LIBAN
de S. Catafago - ESIB (Lebanon)
Mars 1996
Introduction
Le Liban est un pays qui en est à ces débuts dans le domaine
global des réseaux de recherches et académiques. Du fait des
évènements qui se sont succédés entre 1975 et
Octobre 1990, l'Administration des Télécommunications Libanaise
(Ministère des PTT) peut être considérée comme
une Administration sinistrée dans ses différentes composantes.
L'infrastructure des télécommunications au Liban fut dévastée
par ces 16 années de guerre, pendant lesquelles les installations
publiques opéraient dans de rudes conditions, étaient exposées
aux pires opérations de vandalisme, de sabotage, et souffraient d'une
maintenance notoire.
En 1990, le bilan des télécommunications au Liban se résumait
comme suit: les lignes téléphoniques réduites de 450
000 à 150 000 lignes non fiables, les artères de transmission
inter-centraux perdues 85% de leur capacité initiale, les 3 stations
terriennes Intelsat IDR complètement détruites, les liaisons
par faisceaux hertziens vers Chypre ainsi que les câbles sous-marins
vers Marseille, Chypre et l'Egypte partiellement détruits. Ajouter
à cela la destruction des bâtiments, des moyens de transport
et surtout la perte d'éléments humains compétents et
l'émigration continuelle des meilleurs cadres depuis une dizaine
d'années.
Plan d'actions et perspectives
Le Conseil Libanais pour le Développement et la Reconstruction (CDR)
a établi un plan pour la restructuration et la modernisation de l'infrastructure
des télécommunications au Liban approuvé en 1992 et
constituant l'une des priorités du gouvernement actuel. Les objectifs
visés par cette opération se présentent comme suit:
1. Réhabilitation et installation de nouvelles lignes numériques
Ce programme a pour but la modernisation des centraux téléphoniques
et des réseaux locaux. A l'issue de ce projet, les PTT libanais devraient
disposer d'environ 1 million de lignes au moyen de centraux numériques
intégrant le système de signalisation N°7. Au moins 1%
du total des lignes équipées pour les abonnés offriront
l'accès primaire 30B+D du RNIS. Cela conditionne la mise à
niveau du réseau local de distribution pour supporter ces débits.
2. Réhabilitation et modernisation des liaisons inter-centraux
et interurbaines
Ce projet vise à remplacer les liaisons inter-centraux analogiques,
celles-ci étant actuellement par câbles coaxiaux ou faisceaux
hertziens, par des boucles redondantes en fibre optique suivant la norme
SDH. Vers la fin de 1996, le Grand Beyrouth sera desservi par 5 boucles
en fibre optique.
3. Réhabilitation et mise à niveau du réseau international
Ce projet incorpore la création de nouvelles stations terriennes
Intelsat IDR ainsi que des câbles sous-marins en fibre optique pour
atteindre un nombre de circuits internationaux supérieur à
4 000.
Infrastructure des PTT et Réglementations
Le Ministère des Postes et Télécommunications du Liban
exerce actuellement un monopole dans la provision des réseaux de
télécommunications et des services, bien que divers pays commencent
à encourager la libéralisation des services de télécommunications
ainsi que l'introduction d'opérateurs compétitifs. Certains
pays vont même vers le changement du statut de leur opérateur
télécom du secteur public vers le secteur privé ou
semi-privé. Il est clair que ceci devra être de plus en plus
considéré au Liban.
En 1977, les PTT ont accordé la licence d'opération des câbles
sous-marins à une société mixte à économie
privée et à droit international, Sodetel. Les actions de Sodetel,
ou Société de Développement des Télécommunications
du Liban, sont détenues à 50% par le Gouvernement Libanais,
40% par France Câbles et Radio et 10% par Italcable.
En 1991, Sodetel a mis en place un réseau national de transmission
de données par paquets (X.25), Libanpac. C'est en plus le seul réseau
légalement autorisé par le Gouvernement Libanais. Du point
de vue communication de données, Libanpac offre un certain nombre
de services différents: accès PAD asynchrone par le RTC à
2 400 bps, et un accès par une ligne spécialisée directe
synchrone X.25 à 9 600 bps. Libanpac est connecté aux réseaux
de transmissions de données mondiaux via le NTI de Paris par des
liaisons satellites et câbles sous-marins travaillant à 19
200 bps. Libanpac promet prochainement l'amélioration de leurs services
pour offrir des accès avec des débits plus élevés.
Egalement en 1991, MCI a installé une station terrienne Intelsat
Bande-C IDR pour transiter voix et fax uniquement, et ce suivant un contrat
BOT (Built, Operate and Transfer). Ce service sera transféré
aux PTT après une période de 5 ans.
Le Gouvernement Libanais a également entrepris des mesures pour implémenter
un système de radio téléphone mobile selon la technologie
cellulaire numérique et conforme aux normes du GSM. Le réseau
GSM a été installé par deux opérateurs compétitifs,
France Télécom et Télécom Finland. Ce réseau
sera transféré aux PTT après une concession de période
10 ans avec une capacité totalisant 250 000 abonnés. Il devra
permettre la communication de données et de fax à des vitesses
limitées à 9 600 bps.
D'un point de vue légal, le monopole exercé par l'Etat sur
les Télécommunications a été interprété
comme interdisant le transport d'un tiers-trafic par les clients de Sodetel,
Libanpac ou MCI. Ceci a restreint naturellement la mise en place de réseaux
de communications de données desservant différentes communautés,
à l'exception de certains cas: le réseau SWIFT pour les transactions
financières internationales, le réseau SITA pour les réservations
aériennes, et récemment le réseau inter-bancaire (dont
la licence est en cours d'étude).
La situation actuelle apparait comme suit: le maintien des PTT Libanais
(étant le "signatory" du Liban vis à vis de l'extérieur)
du monopole sur tous les services de télécoms, à l'exception
de quelques arrangements BOT de courts termes.
Tarifications
La politique traditionnelle des gouvernements à propos des télécommunications
est de fournir un service universel, permettant aux entreprises ainsi qu'aux
particuliers un accès au réseau national à un coût
raisonnable, et de limiter les fluctuations de changements dans les tarifs.
Dans cette optique, le réseau GSM local offre un service pour la
voix à un prix très compétitif (5 cents la minute).
Par contre, les liaisons spécialisées longues distances ainsi
que les services X.25 de Libanpac sont parmi les plus chères au monde.
Un Mégaoctet de transfert vers la France à travers Libanpac
coûte en moyenne 320$, et aux USA deux fois plus cher. Une liaison
VSAT de 64Kbps coûte au particulier environ 10 000$ par mois comme
rémunération aux PTT pour ce qu'ils appellent "perte
de trafic". Une liaison spécialisée AVD à 9 600
bps pour la France par exemple coûterait une annuité d'environ
100 000$. De plus, ces lignes spécialisées fournies par les
PTT ne sont pas fiables, pauvrement maintenues et sujettes à de longues
coupures incontrôlables.
Partant de là, les différentes institutions académiques
et commerciales au Liban demandent l'ajustement des prix prohibitifs des
connexions longue distance à une échelle plus mesurée,
du moins pratiquée par d'autres pays.
Les solutions actuellement en vigueur sont les liaisons point-à-point
micro-ondes et des modems radios entre les différents sites, toujours
à cause de la non-fiabilités et surtout de la difficulté
de l'obtention d'une liaison spécialisée des PTT.
LARN
Les réseaux académiques dans les institutions Libanaises ayant
atteint actuellement une haute technicité, le Conseil National pour
la Recherche Scientifique (CNRS) Libanais ainsi que les principales institutions
universitaires Libanaises décidèrent de créer un réseau
national d'interconnexion pour le monde de la recherche et de l'enseignement,
appelé LARN (Lebanese Academic and Research Network). Le but de LARN
est d'interconnecter l'ensemble des établissements d'enseignement
supérieur et des centres publics ou privés de recherche au
Liban, ainsi que la connexion avec les réseaux similaires des autres
pays du monde, et ce à travers le réseau Internet. Ce réseau,
toujours sous étude d'implémentation, sera mis sous l'auspice
du CNRS et devra regrouper en premier lieu les institutions suivantes: American
University of Beirut, Université Saint-Joseph, Beirut University
College, Université Libanaise et le CNRS. L'administration du réseau
ainsi que son opération seront laissées aux soins de ses différents
membres.
Réseaux commerciaux au Liban
Il est également opportun de mentionner les réseaux commerciaux
sur le territoire Libanais offrant une connectivité internationale.
Certains de ces fournisseurs sont même régulés pour
opérer un canal satellite de 64 Kbps.
Calvacom, Compuserve, AT&T, MCI et BIGnet sont les BBS (Bulletin Board
System) majeurs présents au Liban au moyen d'agents locaux. Ces sociétés
proposent, en sus de leurs services propres, un accès aux News (parfois)
et une connexion de leur messagerie avec l'E-mail d'Internet basé
sur un système de store & forward.
Data Management, Inconet et T-Net sont trois sociétés travaillant
sur la fourniture de services d'accès à Internet. Les deux
premières compagnies sont déjà opérationnelles
depuis Décembre 1995 et offrent des accès Dial-Up IP via le
RTC à 14,4 kbps. Les tarifs sont de l'ordre de grandeur de 75$ pour
un forfait de 15 heures de connexion par mois.
Conclusion
Cet article a essayé de présenter la réhabilitation
rapide de l'infrastructure des télécommunications Libanaises
qui, basé sur ce qui est planifié, devrait être modernisé
d'une manière adéquate vers la fin de 1998. Ces différents
projets permettrons le fonctionnement comme un système intégré
synchronisé compatible à l'intégration de tout type
de service nouveau ou à valeur ajoutée (télécopie
G4, vidéotex, visiophone, vidéophonie, transfert de fichiers,
etc.).
Enfin, il est bon de mentionner que cette modernisation est associée
à une enquête sérieuse actuellement entreprise pour
étudier l'implémentation éventuelle d'un Téléport
au Liban, qui serait bénéfique pour le Liban et les pays régionaux.