Sophia-Antipolis, 1-2 Avril 1996
Lors du Conseil européen de Corfou en juin 1994, l'Union européenne a confirmé le caractère stratégique d'une transition harmonieuse vers la société de l'information. Par la suite, le sommet du G7, à Bruxelles, en février 1995 a souligné la nécessité pour tous les pays, y compris les pays en développement et les économies en transition, de s'intégrer dans ce mouvement d'ensemble. Un premier forum sur ce thème s'est tenu à Bruxelles en juin dernier entre l'Union européenne et les pays d'Europe centrale et orientale. En ce qui concerne plus spécifiquement les pays du bassin méditerranéen, les réseaux de communication avaient constitué l' un des thèmes majeurs du colloque sur "l' Europe de la recherche et la Méditerranée" organisé sous la présidence française, en mars 1995, à Sophia-Antipolis. Depuis lors, la conférence euroméditerranéenne qui s' est tenue de Barcelone, les 27 et 28 novembre 1995, a adopté le programme d'action MEDA d'un montant de 4,685 MECU qui inclut les technologies de l'information . Enfin, la présidence italienne de l'Union européenne va organiser les 30 et 31 mai prochains à Rome un forum de niveau ministériel sur "la société de l'information : communication, éducation et formation, recherche".
Rarement une évolution très largement technologique à l'origine n'aura bénéficié d'une telle attention des pouvoirs publics. En effet, si ses bénéfices sont à présent reconnus, elle n'en est pas moins sans présenter des risques certains : accentuation dans chaque pays de la fracture entre ceux qui maîtrisent les nouvelles technologies et ceux qui n'ont pu s'y adapter, accroissement des écarts entre les pays qui s'engagent dans le développement d'activités en forte croissance et ceux qui se consacrent à des secteurs plus traditionnels. En particulier, les risques de rupture entre les deux rives de la Méditerranée sont par ailleurs trop divers et trop nombreux pour que l'on ne prenne garde aux conséquences dans la région d'une irruption désordonnée de ces nouvelles technologies.
Dans cette perspective, les chercheurs peuvent et doivent jouer un rôle majeur.
a) S'il est vrai que les technologies disponibles permettent de progresser, dès à présent, vers la société de l'information, de multiples problèmes subsistent (multilinguisme, sécurité...) ou ne manqueront pas de se poser à l'avenir dans un domaine en évolution rapide. Il est essentiel pour réduire la durée de la phase de transition actuelle que les chercheurs soient associés très tôt à l'élaboration des outils de demain.
b) La recherche peut également constituer un vecteur privilégié pour la diffusion des nouvelles technologies et leur transfert vers la production et les services. Habitués à l'utilisation de nouvelles technologies, poussés par la nécessité d'avoir recours aux moyens modernes de communication pour rester au contact de la recherche internationale, les chercheurs constituent une communauté d'utilisateurs pionniers dont l'expérience peut être aisément transposée pour l'enseignement et mise à la disposition des entreprises et des pouvoirs publics pour peu que des mécanismes adaptés soient parrallèlement mis en place.
D'ores et déjà, des chercheurs ont su tisser des liens avec leur environnement économique et social (mise en place de serveurs touristiques, démonstration de télémédecine, services aux entreprises...). Ces exemples peuvent et doivent se multiplier et s'étendre à l'ensemble des secteurs qu'il s'agisse de la production ou des services.
En outre, par la création de sociétés de technologie, les chercheurs peuvent contribuer à la rénovation du tissu industriel de leur pays et ceci d'autant plus facilement que les barrières à l'entrée dans le secteur des produits logiciels et des services informatiques sont encore relativement faibles.
D'une façon plus générale, une réflexion sur la contribution des systèmes de R et D au renforcement du potentiel d'innovation et de développement économique des pays méditerranéens pourra se révéler nécessaire.
c) Plus spécifiquement, les réseaux peuvent contribuer à atténuer certains des handicaps dont souffre traditionnellement la recherche dans les pays moins développés :
- la difficulté de réunir sur un même site des chercheurs en nombre suffisant pour constituer des équipes de taille critique ;
- le manque de moyens de calcul puissants et plus généralement d'équipements scientifiques ;
- l'absence de base documentaire à la fois suffisamment complète et à jour. En particulier, l'évolution du prix des revues scientifiques sans parler de leur nombre, les rend de plus en plus inaccessibles aux centres d'importance moyenne. La bibliothèque virtuelle sera bientôt la seule solution pour avoir une bonne documentation à des coûts modérés.
Avec le développement du télétravail, les réseaux présentent, sur tous ces points, des avantages significatifs en termes de coûts d'investissement. Les barrières à l'entrée dans le cercle très compétitif de la recherche internationale n'en seront pas pour autant abolies mais, tout comme dans les pays développés, elles seront surtout d'ordre humain.
Dans ce contexte, le facteur "formation" n'en apparaît que plus important. Les pays des rives sud de la Méditerranée ont une forte tradition académique mais ils souffrent d'une sévère fuite des cerveaux estimée à près de 10 000 personnes par an. Donner aux universités et aux centres de recherches de ces pays un meilleur accès à la communauté scientifique et industrielle internationale ne peut que contribuer à freiner un tel mouvement.
Si les enjeux en terme de développement économique et social de la transition vers la société d'information sont désormais clairement identifiés, l'apport potentiel de la recherche et ses besoins spécifiques demandent encore à être précisés. C'est à cette fin que l'European Research Consortium for Informatics and Mathematics (ERCIM) organise sous l'égide de la Commission européenne, les 1er et 2 avril, à Sophia-Antipolis un atelier sur "La société de l'information dans le contexte euro-méditerranéen : recherche et technologies de l'information" (cf Annexe). Cet atelier s'inscrit dans le cadre de la préparation du forum ministériel de Rome. Son objet est tout d'abord de sensibiliser la communauté scientifique concernée à la dimension régionale de la société de l'information. Il est aussi et surtout de déboucher sur des propositions concrètes susceptibles de remporter l'adhésion tant des pouvoirs publics que des partenaires économiques et sociaux. et ses conclusions seront transmises au forum ministériel de Rome.
Le public visé est essentiellement celui des établissements d'enseignement supérieur et des laboratoires de recherche (aussi bien académiques qu'industriels), à charge pour eux, par la suite, d'agir en catalyseur dans leur environnement et d'attirer dans les projets qui seront élaborés, les partenaires indispensables au succès de l'entreprise.